En novembre 2015, Damien Henry soutient son mémoire sur l’ubérisation du graphisme. Ce mémoire a remporté le prix du mémoire digital 2015-2016 d’Arctus.
Le graphisme peut-il se faire ubériser ?
Aujourd’hui, nous sommes tous amenés à devoir utiliser à un moment ou à un autre des logiciels de retouche, de traitement d’image pour réaliser une maquette, une bannière ou encore un logo. Ces pratiques amateurs, de par la facilité d’accès aux connaissances et aux outils se sont multipliées. Mais, est-ce que le fait de confier son projet à une personne n’ayant aucun diplôme officiel ou à une personne présente sur une plateforme de crowdsourcing du même genre que peut l’être Uber, va déboucher sur un rendu réellement différent d’un projet réalisé par un professionnel de la création ? Est-ce que cela peut être considéré comme une forme de concurrence pour eux ?
Telle est la question principale qui est soulevée dans ce mémoire. Le graphisme semble se diriger vers une pratique à double vitesse. D’un côté, nous retrouverons les productions de qualité, complète et que l’on peut considérer comme étant achevée et les productions que l’on pourra retrouver sur les plateformes de crowdsourcing à un coût relativement bas, mais qui nécessiteront un travail supplémentaire pour pouvoir être utilisées.
L’on ne peut nier que ces pratiques amateurs réalisées au travers de concours proposés sur des plateformes de crowdsourcing telles que Creads, offrent aux marques un certain avantage notamment au niveau budgétaire. Néanmoins, ce système ne pourra convenir aux marques qui souhaitent un travail d’expertise, professionnel et terminé. Le risque du passe-partout générique est également assez présent notamment pour les petites et moyennes entreprises qui en voulant refaire leur identité, risquent de se retrouver avec une production qui ne leur permettra pas de se démarquer.
Le culte de l’amateur va-t-il tuer notre culture ? L’amateur représente t-il réellement la fin des productions de qualité ? Peut-être ne devons pas être pessimiste et accepter ce virage qui est connu par de nombreux secteurs tels que la vidéo, le journalisme, l’écriture et bien d’autres encore. En effet, cela serait nier la richesse que peuvent comporter ces contenus amateurs. Il est néanmoins nécessaire de prêter une attention particulière à ce phénomène de société qui soulève de fortes problématiques sur la place des individus qui au fond finiraient par être tous plus ou moins uniformes. Qu’est-ce qui fera la différence entre les différents êtres par la suite ?
En juin 2016, l’Observatoire de l’ubérisation et l’agence de création participative CREADS publient une infographie devenue une référence présentant les nouveaux acteurs de l’économie numérique et les quinze secteurs ubérisés.
L’Observatoire de l’Ubérisation définit l’ubérisation comme le changement rapide des rapports de forces grâce au numérique. L’institution ajoute d’ailleurs que ce phénomène se situe au carrefour de l’économie du partage, de l’innovation numérique, de la recherche de compétitivité et de la volonté d’indépendance des Français.
Côté entreprise
L’ubérisation, et son terme enfant, la plateformisation ont été favorisé par l’innovation numérique. L’accessibilité d’internet au plus grand monde, le développement des technologies numériques apparaissent finalement comme des facteurs de conceptualisation et de création de l’innovation.
Dans un contexte de sortie de crise, les entreprises, étant plus que jamais en recherche de compétitivité, ont souhaité simplifier le parcours clients, proposer des services moins chers…Pour cela il fallait innover.
Coco Chanel, mythique créatrice de mode française disait :
« Il n’y a pas de mode si elle ne descend pas dans la rue ».
Parallèlement, peut-on affirmer qu’il n’y a pas d’innovation, si l’on n’écoute pas la voix de la population ? Tout porte à le croire.
Restons dans le domaine de la mode et prenons l’exemple de « Vestiaire collective », cette plateforme communautaire française qui permet aux particuliers de revendre des articles de luxe d’occasion.
« Vestiaire Collective » est composé de six fondateurs. L’un d’entre eux, Sébastien Fabre était alors directeur général d’un site de rencontre lorsque l’idée lui est venue : des trésors dorment dans des armoires et les connaissances de leurs propriétaires donneraient tout pour s’en débarrasser. Ainsi, les deux protagonistes auraient la sensation de faire une affaire :
- L’un récupère de l’argent en revendant des vêtements très facilement grâce à la prise en charge de l’article par « Vestiaire Collective ».
- L’autre réalise une belle transaction avec des prix pouvant aller jusqu’à -70% du prix proposé par la marque tout en étant certain de la qualité du produit certifiée par l’entreprise.
Côté particuliers
Il y a encore quinze ans, vos cercles de proximités se cantonnait à votre famille, vos amis d’enfance, vos amis du sport ou de vacances et vos relations professionnelles.
Puis, les réseaux sociaux sont arrivés, eux aussi, grâce à l’innovation numérique. Le monde et devenu plus social, plus de relations avec plus de monde sur plus de canaux : l’économie de partage s’est développée.
Paradoxalement, nous observons, avec la croissance des temps de connexion et l’apparition d’une dépendance aux technologies, une grande volonté de liberté et de détachement des Français dans leurs choix : une volonté d’indépendance en somme, tel un besoin d’accomplissement de soi qui arriverait au sommet de la pyramide de Maslow.
Yves Saint-Laurent, autre grand créateur de mode et révolutionnaire de l’industrie dans ce domaine disait par ailleurs :
« Quand on se sent bien dans un vêtement, tout peut arriver. Un bon vêtement, c’est un passeport pour le bonheur ».
Et si l’on se sent bien sur une ou plusieurs plateformes, peut-on dire que l’ubérisation est un passeport pour le bonheur ?