Le like : une espèce en voie d’extinction
Dire adieu aux petits coeurs des publications sur Instagram : tout simplement impensable pour de nombreux utilisateurs de la plateforme. Pourtant, il s’agit bel et bien du chemin qu’emprunte le géant des réseaux sociaux en souhaitant supprimer le « like » de sa plateforme. Si cette mise à jour peut sembler anodine aux yeux de certains, il s’agit d’un véritable tremblement de terre pour d’autres, qui voyaient à travers les « like » des indicateurs de leur propre valeur.
Parallèlement, de nombreux rapports pointent du doigt que le taux de dépression et d’anxiété aurait augmenté de 70% ces 25 dernières années chez les jeunes générations. Sur le banc des accusés, siège évidemment la grande famille des réseaux sociaux mais il semblerait que le principal responsable de ce mal-être générationnel soit Instagram. Inutile de rappeler que le réseau social, depuis son lancement, a parfaitement réussi à s’intégrer dans nos routines voire à modifier celles-ci.
Les yeux mi-clos, à demi-éveillé, nous faisons déjà défiler les clichés de sables blancs, de corps aux lignes impeccables, de festins végétariens ou encore de selfies plus narcissiques que ceux de la veille. Nous nous endormons le soir de la même façon que nous avons commencé la journée ; étourdi au milieu de l’abondance de clichés plus fantastiques les uns que les autres.
Instagram se révèlerait ainsi être le pire réseau social pour la santé selon une étude récente menée en 2018 par une ONG britannique. Pire encore, Instagram aurait un lien avéré dans le développement de troubles alimentaires. Les repas « healthy » et les smoothies verdâtres, si ragoûtants, seraient alors néfastes pour notre santé mentale. Mais quelle issue de secours emprunter face à ce culte de l’apparence et du narcissisme sur lequel le réseau est pourtant fondé ? Aucune inquiétude, Instagram a la solution.
Aux grands maux les grands remèdes
Instagram annonce ainsi la fin du compteur de « j’aime ». En effet, il semblerait qu’au royaume de la mise en scène et du narcissisme nous vivions une révolution certaine : la fin du like. Oubliez alors la cure de désintoxication numérique, Instagram emploie les grands remèdes. En Australie, au Brésil, en Irlande, en Italie, en Nouvelle-Zélande et au Japon, une version d’Instagram dissimulant le nombre de like sur les photos publiées par les utilisateurs, est à l’épreuve.
C’est un petit pas pour Instagram mais un véritable séisme sur la planète des like avec une version d’Instagram où les utilisateurs pourront masquer le nombre de personnes ayant aimé leur publication. Le géant des réseaux sociaux prétend ainsi vouloir que les abonnés se re-concentrent à nouveau sur les images plutôt que sur le nombre de likes. « Pendant ce test, seule la personne à l’origine de la publication pourra voir le nombre de « j’aime » reçus par sa photo » indiquait un porte-parole du réseau.
Les utilisateurs concernés ne peuvent dorénavant plus voir le nombre de « j’aime » récoltés par les publications des autres membres défilant dans leur flux. Une simple mention indiquera que la photo ou la vidéo a été aimée par un ou deux membres du réseau auquel l’utilisateur est déjà abonné.
Mais comment allons-nous nous consoler nos petits egos malmenés sans les likes ? Comment assouvirons-nous notre soif de reconnaissance sans les likes ? Comment nous endormirons-nous si nous ne sommes pas sûrs que notre dernière photo a plu aux autres utilisateurs ?
Là encore, pas d’inquiétude, Instagram a la réponse. Il laissera la possibilité à chacun de voir le nombre de likes qu’a suscité leur publication personnelle mais ils auront la possibilité de le masquer au public. Le problème réside dans la « possibilité ». Evidemment, nous voyons déjà ici le schéma qui se profile avec d’un côté, ceux qui seront assez satisfaits de leur « performance » pour ne pas la dissimuler et de l’autre, les utilisateurs plus hésitants, qui préféreront occulter le nombre de likes de leur dernier post.
La fin des likes, un premier frein dans la course à la popularité
Nous faisons donc face à une révolution en demi-teinte. Certes, le réseau social prend enfin conscience de cette course démesurée aux likes et de l’autre, prend soin de ne pas supprimer complètement sa politique du like pourtant responsable du phénomène. Bien évidemment, Instagram n’est pas devenu soudainement soucieux de notre bien-être mais est parti d’un constat récemment mesuré : le fait que les likes influencent de moins en moins.
Cependant, force est de constater, parmi les multiples répercussions de ce changement, qu’en masquant le nombre de likes, Instagram réduirait l’effet « masse » et, plus globalement, la « pression sociale ». En d’autres termes, le fait que certains utilisateurs « like » des images uniquement si elles sont déjà plébiscitée par les autres. Dans ce monde merveilleux éloigné du diktat du like, nous pourrions imaginer que cela encourage les utilisateurs du réseau à pratiquer la photographie selon leurs propres aspirations et non plus en fonction d’un potentiel de likes à générer.
Le partage artistique et l’expression de soi semblent ainsi être replacés au coeur de la fonctionnalité du réseau mettant de côté la quête perpétuelle vers une popularité somme toute factice. Idéaliste ou non, nous pouvons espérer avec cette actualisation du fonctionnement de l’application voir des utilisateurs regagner une forme de créativité éloignée de leurs vanités.
Lisa Le Scornet