Le code, langage ou œuvre d’art ?

Le code, langage ou œuvre d’art ?

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Dans L’Etre et l’écran, Stéphane Vial pose la question philosophique de l’art dans le numérique. Réflexion.

« J’aurais voulu être un artiste », aurait pu chanter Steve Jobs. Dans son ouvrage, L’Etre et l’écran (PUF, 2013), Stéphane Vial compare la fonction du hacker à celui d’un artiste, prenant considération du fait que le phénomène numérique est un idéalisme, deuxième caractéristique de ce qu’il appelle « l’ontophanie numérique », c’est-à-dire la transformation de notre perception du monde par l’usage massif de l’ordinateur et du Web.

De prime abord, cela peut sembler évident si l’on songe au métier de designer Web, de graphiste, ou même à des métiers traditionnels, comme architecte, qui ont nécessairement besoin de l’interface numérique pour proposer du « beau ». L’outil numérique est au service de l’art, comme tous les outils.

Stéphane Vial ne prétend pas faire du hacker un artiste, mais de sensibiliser son lecteur à la potentialité qu’il puisse l’être.

Le hacker, cet artiste méconnu

Car faudrait-il en déduire qu’un codeur est forcément un artiste, que le code seul peut être une œuvre d’art ? L’outil, moyen de l’art, peut-il en être la finalité ? Ferais-je du peintre en bâtiment un artiste sous prétexte qu’il use d’un pinceau et d’une peinture ? L’ingénieur de la Renaissance n’a jamais fait l’artiste, mais il s’avère que certains artistes étaient des ingénieurs de la Renaissance.

Faudrait-il dire aussi que le logo d’Apple est une œuvre d’art sous prétexte que Steve Jobs prétend avoir recruté des artistes pour le concevoir, ou sous prétexte que ce même Steve Jobs était un visionnaire ? Des visionnaires, on en compte, innombrables, qui n’étaient pas des artistes : Napoléon, Louis XIV, Alexandre le Grand… Des stratèges, des conquérants, des hommes de poigne qui ont marqué leur temps, sans doute… Mais des artistes…

Qu’entend-on par le mot « art » ? S’agit-il de « technique, méthode, ensemble de procédés ou de règles propres à chaque genre de l’activité humaine et qui vient s’ajouter aux dons naturels », ou d’« activité désintéressée qui a son but et sa fin en elle-même, selon un idéal esthétique » (définitions du dictionnaire de l’Académie française) ? Autrement dit, le code est un art bien-sûr, mais est-ce de l’art ? Un langage peut-il être de l’art ? Le langage de Beaudelaire l’était, mais la langue française l’est-elle en soi ? Un procédé de communication est un art, mais est-il de l’art ? Les codeurs n’ont pas de « compétences artistiques », comme le prétend Pierre Lévy (Cf. De la programmation comme un des beaux-arts), mais ils peuvent, comme tout possesseur d’un outil, envisager une œuvre d’art.

Il n’empêche. Dans cette période inspirée par la révolution numérique, il importe de conclure, comme nous y incite Stéphane Vial, que l’époque qui va suivre verra sans doute puiser ses artistes parmi les professionnels du numérique.

 

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