Le deepfake ou l’art du transformisme à l’ère digital

Le deepfake ou l’art du transformisme à l’ère digital
Photo by h heyerlein on Unsplash

En 2020, vous vous attendiez à des inventions numériques révolutionnaires.  Mais la seule chose que vous pouvez vous mettre sous la dent pour cette fin d’année, c’est le deepfake. Loin de l’ambition de sauver l’humanité, cette nouvelle pratique fait plus de mal que de bien.

D’abord, qu’est-ce-que le deepfake ?

Le deepfake est une vidéo montée de toute pièce, à partir de photo de la personne que nous souhaitons transposer sur un corps qui n’est pas le sien. Combinaison du mot deep-learning (apprentissage profond) et fake (faux), ce procédé peut même faire tenir des propos à une personne alors qu’elle ne les a jamais prononcés. L’exemple le plus célèbre de deepfake est la vidéo de Barak Obama insultant Donald Trump d’« Incompetent deep shit » (traduit en français de « merde incompétente »). Une vidéo si réaliste et virale pour des propos surprenants voire impossible pour un ancien président. L’apparition du deepfake pousse alors à l’interrogation. Comment distinguer le vrai du faux ? Existe-t-il des mesures légales contre ce type de pratique ? Qui est le plus touché ? À ce jour, la réponse à ces trois questions reste assez floue.

Le deepfake reste reconnaissable, car la technique n’est pas encore parfaite. Toutefois, d’après Sam Grégory, fondateur de l’organisation Witness « les progrès technologiques sont tellement rapides que d’ici quelques mois, il pourrait même devenir impossible de les détecter à l’œil nu tant leur réalisme sera poussé. »[1]. Une progression aussi impressionnante que terrifiante pour les personnes susceptibles d’être concernées par le phénomène. Si nous avons évoqué l’exemple de Barak Obama en début d’article, ce ne sont pas les personnalités politiques les plus touchées, mais bien les femmes. Selon Giorgio Patrini, fondateur de Deeptrace, la première entreprise proposant une technologie capable de détecter le deepfake « 96 % des deepfake en ligne sont des vidéos pornographiques non-consenties ». Les femmes sont alors touchées par ce qui s’apparente directement au « revenge porn », technique de cyber harcèlement qui fait encore ravage sur le web. Ces vidéos, utilisées également sur des célébrités, comptabilisent des millions de vues.  Une audience grandissante qui oblige à penser dès aujourd’hui à des mesures juridiques pour limiter la propagation de contenus dangereux (si utilisé dans le cadre de détournement de la parole) et dégradant (si utilisé à des fins pornographiques).

Quelles sont les mesures misent en place, pour lutter contre le deepfake en France ?

Selon un article de Numérama, site d’informations en ligne, « Il n’est pas prévu dans l’immédiat de faire bouger l’arsenal législatif face à l’émergence des deepfakes ». En effet, selon le secrétariat d’État au numérique, la loi française est déjà armée contre « l’hypertrucage », notamment avec la loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information. Toujours selon le secrétariat, ce texte « s’applique dans l’ensemble de ses dispositions à la lutte contre toutes les fausses informations, y compris celles se fondant sur des hypertrucages ».

De nombreuses associations se sont également emparées du sujet afin d’aider et accompagner les personnes victimes de deepfake à engager les différentes démarches juridiques pour condamner les auteurs des vidéos. Toutefois, mettre en place des procédures demande également la coopération des plateformes où sont publiées ces vidéos, un travail de modération est à mettre en place afin de détecter et supprimer les vidéos truquées.

Distinguer le vrai du faux devient alors un travail de tous les jours sur le web. Nous ne sommes plus confrontés à une simple vérification de l’information mais également à une remise en cause perpétuelle de ce que nous percevons et entendons. La frontière entre réalité et virtuelle devient de plus en plus poreuse.

Célina Slim

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