Management 2.1 : les entreprises à l’ère digitale

Management 2.1 : les entreprises à l’ère digitale

La 11e édition du colloque Management des Techniques Organisationnelles s’est tenue ces jeudi 3 et vendredi 4 octobre à l’IMT Mines d’Alès. Intitulée « Management 2.1 », cette édition s’est axée sur la nécessité d’opérer une transition au rythme de l’évolution des technologies pour les entreprises désireuses de rester compétitives et de développer l’emploi et la confiance au sein de la société.

Ce colloque, réunissant jeunes chercheurs, consultants en milieu entrepreneurial et chercheurs confirmés dans le domaine du management est organisé chaque année par plusieurs centres de recherches en collaboration : le LGI2P, l’Institut Carnot M.I.N.E.S, l’Institut Mines-Télécom, l’université de Montpellier. Les travaux présentés en conférence sont destinés à être publiés dans la prochaine revue MTO éditée par les Presses des Mines. Plus d’une quinzaine d’interventions sur des sujets très divers (retrouvez ici le programme) ont été déroulées sur les deux jours, accompagnées d’une animation sur le thème du management par les Risques.


Intervention d’Isabelle Choquet au cours du colloque.

Les étudiants du master CTN ont assistés aux deux jours de colloque, et ont choisi de condenser l’esprit du colloque en interviewant Isabelle Choquet, enseignante-chercheuse belge à l’ICHEC de Bruxelles et à l’Université Bordeaux Montaigne. Son intervention a portée sur : « La PME familiale : un modèle à suivre? ». Elle est présente depuis la première édition du colloque en tant qu’intervenante et a accepté de nous parler technologies et management :


« Je suis enseignante-chercheuse, selon votre terminologie française. Mes recherches portent sur le phénomène de transition lié aux technologies et à l’environnement au sens large, dans les entreprises. J’étudie aussi la complexité liée à cette situation transitionnelle, cet « entre-deux ». J’enseigne dans une école de management, au sein d’un UFR Entreprises et société où j’étudie trois composantes : les PME sous l’angle de la création d’entreprise et d’emploi, l’entreprenariat social et solidaire, ainsi que les nouveaux business models. Je fais aussi partie du Comité scientifique de la revue MTO depuis la fin de ma thèse, ce que je considère comme une reconnaissance de mes travaux. Je suis intervenue dans toutes les 11 éditions du colloque.


Pouvez-vous nous parler davantage de la thématique de ce colloque ?

Le colloque est toujours centré sur thème du management, et pour cela mêle chercheurs et consultants autour des questions de technologies et de leur impact sur l’organisation et le management. Associer ces deux types de participants est une vraie particularité du colloque: cela permet des échanges plus variés, davantage ancrés dans la réalité. Le colloque a bien évolué car la séparation entre le monde des chercheurs et celui des consultants s’est atténuée. Après ces 11 éditions, on se comprend mieux et on est « contents«  de se revoir. Nous avons tous fait un pas les uns envers les autres. Nous, chercheurs nous avons changé, non pas dans le processus de nos recherches, mais dans la manière de communiquer nos résultats. Les consultants eux ont également trouvé nécessaire de consolider ce qu’ils présentaient en sortant d’un exercice de vente, et en approfondissant leur réflexion. Tout cela se nourrit. D’ailleurs cette année, vous (les étudiants du Master CTN, NDLR), vous y avez participé en tant qu’étudiants. Et vous avez pu constater que l’ambiance est très bonne! »


Pourquoi pensez-vous que le thème du management prend sa place dans une école d’ingénieurs telle que l’IMT Mines d’Alès ?

Il a toute sa place dans la mesure où il y a une remise en perspective du management par l’apport des nouvelles technologies, domaine d’expertise de l’école. Cela nous amène à penser les technologies non comme des solutions arrivant pour régler tous les problèmes de management mais comme des outils d’organisation et de changement. Il est inutile d’introduire la technologie comme prétexte à des changements de management, ce qui arrive souvent, ou d’ignorer les technologies et leurs bénéfices pour l’entreprise. Ce sont des choix à faire en tant que manager : il difficile de les faire avec le discernement nécessaire sans échanger et prendre du recul comme dans des colloques comme celui-ci. Cela permet entre autres de se tenir au courant de ce qui fonctionne ou non et de réinvestir les technologies dans ses propres pratiques.

Les évolutions du management sont intimement liées aux nouvelles technologies. Même si les mutations observées dans les pratiques de management sont humaines, sociales, on ne peut nier que la transition à l’œuvre passe par le numérique. En ignorant ce fait, on se condamne à être rayé de la carte. Même des commerces de proximité qui développent un modèle coopératif et n’ont pas besoin d’un support technologique très sophistiqué, s’inspirent de cette notion de réseaux des technologies numériques. C’est lié au concept même de ce que les technologies nous ont apportés : le travail en réseau dans le cadre de structures moins hiérarchiques, la collaboration qui donne du sens au travail, etc. Ces choses existent en-dehors de la technologie mais s’en inspirent. La société est imprégnée de ces modèles et ces pratiques développés à partir des technologies numériques. Et la question de l’appropriation, de ce qui se passe quand l’utilisateur se saisit de ces technologies est centrale. On peut créer le meilleur outil, mais si les gens n’adhèrent pas et ne sont pas prêts à l’adopter, la technologie n’a pas de raison d’être.


Dans le milieu entrepreneurial, pensez-vous que les outils de communication numérique parviennent à trouver des solutions à certains des enjeux de communication ? Ou en posent-ils de nouveaux ?

Je répondrai en différenciant trois cas de figures, soit 3 types d’entrepreneurs. Le premier type ce sont les entrepreneurs dont j’ai parlé pendant mon intervention dans le colloque, qui « osent l’aventure ». Ils vont voir les technologies comme des manières de voir leur business d’une autre manière. Ils s’en saisissent et se lancent dans l’expérience sans se fixer de plans ou d’objectifs. Dans le deuxième, l’entrepreneur voit tous ses concurrents passer par une technologie comme le e-commerce par exemple et tente de rattraper leur retard. Sans réfléchir au sens que cela leur donner à leur activité, il rajoute une couche de technologie, qui est utile uniquement si d’autres avant lui ont trouvé des solutions adaptées . Ces entrepreneurs sont suiveurs. Le troisième cas est le type réfractaire qui va refuser la transition. Ces entrepreneurs sont amenés à disparaître, sauf si dans de rares cas leur activité ou leur secteur leur permet de survivre sans les technologies et la visibilité d’une communication sur un site Internet ou des réseaux sociaux.


Comment envisagez-vous le lien entre management et technologies numériques à l’avenir ? Est-ce que cette transition très prolongée va durer indéfiniment ?

Les changements liés aux technologies numériques sont durs à adopter. Dans un exercice de prospective, pour savoir ce qu’il en sera de la révolution numérique dans 10 ou 15 ans, on peut se référer à Bachelard qui formule cette métaphore : l’homme qui avance en charrette sur une route qu’il connaît bien n’a besoin que d’une lanterne pour se guider alors que celui qui a une voiture de sport sur une route inconnue a besoin de grands phares allumés. Cela veut dire que si on ignore où on va, comme c’est le cas aujourd’hui, il vaut mieux être bien éclairé pour conduire le changement. La révolution numérique et sa durée, sa continuité et ses mutations incessantes, se traduisent par une accélération du temps. Joël de Rosnay dit qu’on « surfe » dans notre vie aujourd’hui, et cette métaphore colle bien au numérique ! On surfe sur la vie, souvent en collaboration car c’est trop dangereux tout seul. Mais il faut des moments pour se retrouver en lien avec les choses, en communion. On retrouve ça dans tous les mouvements de « slow » aujourd’hui, qui permettent de retrouver du sens dans notre vie, et dans l’entreprise. »

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